Comme souvent chez Hopper, de prime abord la scène peut paraître banale. Un simple instantané pris sur le vif avec des personnages et un décor anodins. À se demander même pourquoi l’artiste s’est donné la peine de s’y arrêter… Dans cette interrogation réside précisément tout l’intérêt de cette toile qui se dévoile progressivement pour peu qu’on l’examine de près. Anodin ? Bien au contraire. Il s’en dégage une force singulière, une tension extrême due à l’attitude des personnages, celle apparemment indifférente de l’homme assis, penché sur son bureau, lisant ou dictant une lettre ; celle plus ambigüe de la secrétaire debout qui lui lance un regard à la dérobée. La mise en valeur des formes féminines, la torsion du corps instille une note de sensualité aux limites de la provocation. Un rai de lumière provenant de l’extérieur établit un lien entre les deux. Rien ne s’est encore passé mais tout pourrait arriver dans l’intimité de cet espace fonctionnel aussi anti-érotique que possible. À un détail près pourtant que le peintre livre au spectateur-voyeur comme une clé : la secrétaire entrouvre un tiroir du cartonnier. Un symbole. Une invite. L’éblouissante subtilité de l’art de Hopper se révèle dans ce tableau tout en faux-semblants et clins d’œil pour qui s’amuse à les décrypter.
La nuit au bureau, 1940
Office at Night
Huile sur toile, 56,4 x 64cm
Minneapolis, Collection Walker Art Center
Office at Night
Huile sur toile, 56,4 x 64cm
Minneapolis, Collection Walker Art Center